Accéder au contenu principal

UN aperçu de ce recit

LE BRUIT DE LA VIE
Elle eut quinze ans, lorsqu’elle a quittée sa mère et le presbytère. Edmée devait être éduquée. Le village privé de tout, n’apportait que tristesse, repli, méfiance. Les tragédies, dégâts collatéraux de l’occupation, ont torturés les cœurs et les âmes. Celle qui se croit, inutile, sans intérêt rencontrera trois femmes qui la soutiendront dans sa quête du bonheur. A la saint Georges sèment tes orges ! la jeune femme sèmera, pleine de bonne volonté. Elle si fragile y mettra tout son cœur. Elle fera face. Mais à quel prix ?

 « -Comment allez-vous Edmée ?
Vous avez eu des moments pénibles ! Hélas, nous ne pouvions pas anticiper !
Une telle incertitude thérapeutique ! Survenir sur une jeune femme en pleine santé ! Non, vraiment pas !
Avez-vous de la crainte ?
Etes-vous bien revenue parmi nous ?
Quelle absurdité !
Etes-vous avec nous ?
Etes-vous là Edmée ? Edmée ?
Votre femme est perdue, je le crains ! Susurra le futur médecin, faisant volte-face au mari qui se retenait de respirer !
-Madame Gourault, restez avec nous !
-Parler lui, de ce qui, lui est vraiment cher ! Sa famille ! ajouta Maurice.
La blouse blanche s’accroupi à la hauteur du visage de la patiente :
-Edmée ! Où avez-vous passé votre enfance ?
Un rayon lumineux sembla donner vie, à ce visage de cire !
-Un petit village au pied de la forêt froide, née au milieu de deux frères. Nous étions très pauvres. Les gens nous méprisaient. Notre mère était petite, vieille, sale,  courbée avec toujours un fichu sur la tête, elle était moche en plus.
Nous n’avions pas de père, nous étions logés dans le presbytère. Il y faisait froid, ce n’était pas grand. Les gens regardaient toujours, ce qu’on faisait lorsqu’ils montaient à l’église. Heureusement il n’y avait pas de cimetière autour, cela aurait été encore plus lugubre.
Le curé habitait un autre endroit, car tout le monde disait, que mon grand frère était le fils du curé, et mon petit frère le fils du facteur. D’ailleurs, le curé était bien trop jeune et trop beau pour avoir engrossé la mère. Quand on est arrivé à la Grange Froide, nous étions déjà nés. Le dernier enfant est venu à la suite d’un courant d’air. 

Chapitre 1 Le départ



Sur demande du curé, le maquignon du village, me déposa sur la place devant la mairie. Bon sang, que j’ai eu peur tout au long de la route, je ne voyais que les immenses cornes du taureau, ce qui faisait glousser le vieux, derrière son volant. Je n’avais pas encore quinze ans. C’était l’année 1948.
Marthe, habitait le village de Vauderein. Je devais, la rencontrer. Dans le canton, Marthe était appréciée. Bonne conseillère, en éducation des enfants,  elle savait atténuer les désaccords des couples. Elle facilitait les épousailles lorsque les familles s’y opposaient. Elle siégeait au conseil d’administration d’une école d’éducation, située à Villenothe les Arcs. Endroit très connu depuis peu, car la pension avait recueilli de nombreuses jeunes filles étrangères, afin de les protéger des délations.
Marthe me fit le tour de son jardin bien coquet et m’expliqua :
« -La commission rurale, s’occupe des jeunes filles comme toi,  scolarisée à leur frais dans une école ménagère. Elle leur déniche une famille très bien en ville en duo avec une plus âgée. Puis l’intégration dans une famille avec enfants ou bien dans un grand domaine.
D’autres seront plus instruites, elles apprennent les comptes, puis placées dans des institutions, en échange d’une pièce à vivre, elles s’occuperont des papiers, surtout dans des orphelinats, des écoles, des petites communes, ou chez les compagnons. »
Marthe, rencontra elle-même, la commission rurale, peu après ses quinze ans. Ses frères ne sont pas tous revenus de la Grande Guerre. L’un blessé à la tête, restait prostré, leur père, épuisé par les travaux des champs, la privation, et le chagrin, mourut, laissant la mère avec le blessé. Elle m’expliqua, ce qui m’a mis en confiance :
« -Après quelques années, j’ai quitté cordialement la famille avec de bons émollients, un certificat et des recommandations en bonnes et dues forme. J’ai rejoint une famille de notaires hollandaise qui faisait négoce à Paris. Ma courtoisie, ma connaissance des us et coutumes des bourgeois parisiens, ont fait figure de diplômes. De femme de chambre, je suis devenue organisatrice de souper, de colloques, de séminaire et définitivement, j’ai retiré le tablier. Adieu, la chambre sous les toits, bienvenue dans la garçonnière qui comptait deux pièces et une salle d’eau,  avec chauffage. Ces notaires étaient les précurseurs des agents immobiliers, j’ai beaucoup appris avec eux. Les années passées au service des familles nanties, m’avaient enseigné des quantités de données sur le patrimoine de la petite bourgeoisie parisienne. Un énorme bottin pour les notaires en somme. J’ai été récompensé de mes connaissances, mais pour toi Edmée que souhaites –tu ?
-Je ne me vois pas travailler auprès des gens. Je n’ai pas de compassion, le curé dit que je ferais une fille de ferme acceptable. Car je suis maigrichonne, et j’ai pas assez d’allants.
- Je vois, répondit-elle, mais qu’aimes-tu faire ?
- Me promener, rester assise et regarder les oiseaux qui se battent. Souvent je me mets dans un coin et je ne bouge pas, même si, on m’appelle, ce qui exaspère la mère. De toute façon quand elle m’appelle, c’est soit qu’il y a une poule à plumer et à vider, beurk, j’en vomis. Ou bien, une bestiole quelconque que le curé a déposée avec des légumes pleins de terre. Que je dois nettoyer soigneusement, que la mère les prépare, pour le curé.
-Donc, tu fais beaucoup de chose, tu souhaiterais faire des études ?
-Je ne sais pas, je ne sais pas bien lire, je n’aime pas trop. Je compte les oiseaux, les cailloux que je ramasse, j’additionne, et je retrais.
-C’est très bien, et faire la cuisine ?
-Je crois bien que oui, mais la mère me laisse pas faire. Elle dit que je mets trop de choses, à chaque fois, trop de sel, trop de saint doux, car il faut économiser. D’ailleurs le curé mange peu quand il dine chez nous, ce ne doit pas être bon, la préparation de la mère !
-A moins, que le curé fait cela, pour que le plat vous fasse plusieurs jours.
-J’aurais honte dans un tel cas, déjà qu’il nous loge, nous donne du bois, non c’est trop, on n’est pas des mendiants !
-S’il fait cela, c’est pour éviter que vous ne deveniez des mendiants. Ta mère, ton petit frère malade et toi qui est si jeune. Il n’y a que toi, qui puisse travailler.
- Mais je suis trop jeune, je ne sais pas faire grand-chose.
-Tenir une maison, cela tu sais le faire !
-Oui, et j’aime bien quand c’est rangé, et propre. Je sais laver le linge, le réparer, et le plier aussi, il est bien droit.
- Mais, cela est parfait pour trouver un mari !
- Mais, je suis maigre, je n’ai pas de dot, et j’ai perdu l’usage de voir de loin à la suite d’une fièvre. Je suis gauche, et je ne comprends rien aux mœurs des garçons. La mère dit que je suis gourdasse, et cul gelé !
-L’approche des garçons, c’est un art, et cela s’apprend, ne t’inquiète pas. D’abord, il va être nécessaire que ta mère accepte que tu ailles dix mois à l’école ménagère, en internat car, c’est à trois heures de route. Ensuite ….
- S’il ne faut pas payer, elle acceptera, une bouche de moins à nourrir !
-Alors ça ira, ensuite nous trouverons avec la commission rurale, un endroit en accord avec tes compétences. Tu y seras logée, nourrie et tu travailleras. Déjà tu auras un an de plus, et prête à quitter ton presbytère, et ta mère ».
L’école ménagère fut pour moi une source de souffrance, j’avais 15 ans quand j’ai quitté la mère. Je ne voyais pas grand monde. Il n’y avait pas trop de filles autour de l’église, ou alors des vieilles, tristes.  Dans le village, les filles en âge de se marier, étaient parties au plus près des grandes villes comme Sens ou Troyes pour y rencontrer des garçons. Par ici, seuls des vieux restaient, tous les hommes n’étaient pas revenu de STO, ou pire, sont restés prisonniers en Allemagne, les plus jeunes sont partis trouver du travail aux abords des grandes villes. C’était la désolation par nos contrées. Un village de veuves avec des mouflets, et des vieux qui avaient fait la Grande guerre.
Je ne savais pas comment m’y prendre avec mes comparses. Elles m’effrayaient, les filles rigolaient tout le temps. Je ne connaissais rien de drôle, ni rien du tout d’ailleurs. Toutes moqueuses de ma grande taille, ma poitrine plate, mes hanches étroites, mes mains et mes pieds de garçon.
« Faudra rembourrer tes corsages, et de mettre des paniers sur le derrière, les hommes aiment les filles girondes, pas efflanquées. »
Edmée la lessiveuse qu’elles disaient, j’avais la colère dans le cœur. Je leur faisais des crasses, cela je savais, cela me venait tout seul, pas besoin de réfléchir. Lorsque je plumais les pigeons, tourterelles, poules, canards. Je gardais discrètement la poche de bile du foie de la bestiole, que je faisais sécher, ainsi que l’intérieur du gésier. C’est d’un amer ce truc-là, et j’en mettais dans les petits pains, qu’elles ne manqueraient pas de me voler.
Il y avait une fille, comme moi, en retrait. Je ne l’avais pas tout de suite remarqué, grande, plate, potiche aussi, plus jeune que moi encore. Elle s’appelait Foncine, les autres l’appelaient  la battade.
On essayait de s’écarter du groupe et on s’arrangeait pour aller faire les lessives, une fois par semaine. Le linge de maison était bouilli dans les lessiveuses sur les fourneaux. Il fallait aller au torrent « la vanne » pour battre, essorer, tordre, c’était fastidieux, mais comme on avait la journée, cela nous allait !
Nous avions aménagé un accès et amassé des grosses pierres sur lesquelles on jetait le linge, il s’égouttait mieux.
Nous, allongés dans l’herbe, on rêvassait à demain, ce qu’on voulait, ce que nous refuserions. Et puis ce temps au bord de l’eau, en saison nous attrapions des écrevisses, ou des escargots. Ce qui améliorait grandement la soupe de patates, ou de fèves du soir. L’eau vive, propre, froide n’avait plus de secret, nous y mêlions des herbes sauvages, menthe ou sauge, la parfumant pour nos pieds échauffés, apaisant les frottements.
Lorsque, l’équipage du retour chargeait nos lessiveuses, autres baquets. Nous courrions devant, nous aimions courir, et nous le faisions dès que nous pouvions, et on riait, on riait. Le papé adorait nous entendre rire. 
Notre choix, n’était pas de travailler chez les autres. Comme nous n’étions pas instruites, on n’allait pas y couper. Nous marier, oui mais, pas avec une brute ou un fier à bras.
Bien que jeunes, nous n’étions pas jolies. Nous n’avions ni argent, ni tournure d’esprit. Et nous avions que peu d’ambition. Nous nous confions nos malheurs, Foncine avait appris vers ses 12 ans qu’elle était une enfant bâtarde.
Si Foncine a un père qui est connu, moi je suis de père inconnu. Comme mes frères, cela veut dire que la mère s’est fait engrosser par des hommes qu’elle ne connaissait pas.
« - Non Edmée ! Cela veut dire que ces hommes n’ont pas pris la peine de connaître l’enfant. Ta mère n’a rien dit, où  l’homme était déjà attaché à une autre femme. Et là il y adultère, m’expliqua Foncine en riant. Où alors c’est les trois, ouh là là.
- Adultère ?
-L’adultère, c’est quand un couple est marié devant le seigneur. Que l’un d’entre eux, couche avec une autre personne. C’est interdit et l’autre peut répudier l’auteur de l’adultère. On peut vite se retrouver à la rue, après avoir fait un sale truc comme cela. Et comme c’est les hommes qui peuvent tout, faut faire attention. Et drôlement même ! »
L’adultère nous rendait songeuse, et inquiète, comment y échapper !
Nous avions juré de nous soutenir l’une l’autre. Faire tout notre possible pour ne pas se perdre de vue. Nous avons décidé de recueillir des informations sur, ce qu’est un homme. Ce qu’ils veulent à part coucher, et connaître la science de faire et de ne pas faire d’enfant.
Semaine après semaine, nous nous retrouvions à la lessive. On se racontait ce qu’on avait appris. On se le récitait à voix haute, pour le mettre en mémoire. Le soir avant de dormir, on se le rappelait, pour pas que la fatigue ne nous le fasse oublier.
J’ai appris ainsi qu’une fille s’occupait de tuer les lapins. Elle gardait précieusement la vessie, pour la mettre au fond de son ventre, lorsqu’un homme s’enfonçait en elle. --Le trèfle qu’on donnait aux lapins, la graine infusée en tisane cinq jours de suite, est à prendre, si les menstrues ne viennent pas, et le sang coule à flots, au cas où ! ---Les feuilles de menthe sauvage, écrasées dans le vinaigre, pour masquer l’odeur du sang des filles (çà affole les mâles). Elles avaient l’air de s’y connaitre, certaines se pâmaient rien qu’à écouter, d’autres gesticulaient sur les bancs. Elles connaissaient c’est sûr, le rapprochement, les guiliguilis, la motte humide, le caleçon en bas, le braquemart en haut, les cartes de France, la mouille sur la moustache. Elles étaient tellement plus âgées que nous deux, elles avaient de l’expérience surement.
Ensemble avec Foncine nous échangions les techniques de séduction, qu’on écoutait sans trop se faire voir. Et puis nous avons était séparée, l’une chez une famille, dans la ville proche. Elle s’occupait du linge, elle savait faire. Et moi, je suis allée un temps chez un fermier, exploitant d’une pommeraie. Je remplaçais, sa femme, gravement malade, dans les perchées et dans les tâches ménagères. Là ce fut difficile, la dame gentille, me faisait pitié, et moi la pitié cela me met mal à l’aise. J’avais compris que les gens, dont on a pitié, on les méprise en fait.
Ils n’avaient pas eu d’enfant. Ils comptaient sur moi pour que je les distraie, ce que je ne savais pas faire ! Je leur racontais des histoires, celles de l’internat et celles que j’inventais. Je me suis rendu compte que c’était facile de « mentir » d’inventer des choses et de faire semblant d’y croire.
Cela dura plusieurs saisons. J’ai appris beaucoup en les regardant vivre, si proche l’un de l’autre, même si cela m’écœurais tant de prévenance, de gentillesse, mais j’en ai pris de la graine.         
J’ai retrouvé ma Foncine pour la Saint Nicolas. Elle était joyeuse, très à l’aise dans sa famille en ville, elle m’apporta en cadeau de fin d’année, plein d’anecdotes croustillantes que je mis vite en mémoire, pour les utiliser plus tard. 
Les décortiquer, les interpréter, lorsque j’étais au cœur des tâches laborieuses, qui m’apportèrent en sorte, le gîte et le couvert, voire, un petit pécule. D’ailleurs le pécule, que j’avais gagné à la pommeraie, et que j’avais fait parvenir à la mère, était déjà fondu, ce qui m’irritait au plus haut point. Désormais j’en garderai une partie.
Foncine en complément de son travail de blanchisseuse apprêteuse faisait des petits travaux de broderie, elle participait à l’élaboration du trousseau des demoiselles.
Ben oui ! C’est cela, ma foi !
Un trousseau brodé aux lettres des familles.
Voilà la dot !
Celle que je brandirai à ma future belle-famille, avec une place d’honneur pour l’initiale, la leur.
Ma foi, c’est cela !
Foncine m’enseigna les rudiments de la broderie. Cela allait changer le cours de ma vie.
Il était vain cependant, de penser que j’allais faire un beau mariage. Foncine, m’avoua qu’elle s’était rapprochée d’un ami de ses patrons, veuf avec deux filles. Il appréciait Foncine, sa haute stature, l’élégance de ses formes, sa peau si blanche. Il  ne se moquait pas, ni de ses grands pieds, ni de ses longues mains un peu rouge. Une femme qui brodait lui plaisait bien à lui.
« - Et comment il est le monsieur ?
A-t-il une situation ?
Est-il agréable à regarder ?
Comment se comporte-t-il avec ses filles ?
Quels liens a-t-il avec tes patrons ?
- Il a une petite entreprise qui lui vient de son père, couvreur-zinceur. Il manie le chalumeau pour souder les parties des toitures en zinc. Il est artiste en son genre, car il habille les lucarnes, il a deux ouvriers avec lui.
Il est plus petit que moi, un peu rond, plus trop de cheveux car il porte un béret. Il est mal fagoté, mais je pourrai arranger cela, c’est un artisan reconnu par la Famille Stermeet.  Il travaille beaucoup, dans la région, les grandes maisons  ont souffert du passage des Boches.
- Stermeet, ce n’est pas un nom allemand ?
- Non c’est des pays bas, eux aussi ont souffert des Boches !
- Et le papa des filles, il s’appelle comment ?
- Ernest, ses filles Claudine et Camille, lui est de 22 cela lui fait douze ans de plus que moi. Il est gentil. La grand-mère s’occupe d’elles, lorsqu’il part au travail, il peut être plusieurs semaines sans les voir, mais elle  se fait âgée. Elle a des problèmes de goutte. ..Ernest est revenu de STO, le grand-père est mort sur un chantier. Les petites sont mignonnes, et pas bêtes, leur maman est morte de la grippe, il y quatre ans.
Edmée avait des larmes dans la voix !
« -Il te plaît bien Ernest, et les filles ont l’air plaisantes. Te vois-tu, à la fois servante et mère en alternance ?
Chez une femme qui te donnera des ordres ?
Un homme pas toujours là qui ne pourra pas te défendre si cela se passe mal ?
-Comme tu y va ! Edmée, je ne veux rien précipiter, je vais sur 19 ans. Je compte bien me faire une place doucement, très doucement. La mère d’Ernest s’occupera encore très bien des filles. Quand cela lui sera difficile, je ne serais pas loin, et Ernest m’épousera bien. D’ailleurs à ce propos, j’ai besoin que tu m’aides, je ne sais pas cuisiner, ni préparer des gâteaux comme toi. Si je veux plaire et retenir Ernest, il faut bien cela.
-Soit… ! Je brode et tu pâtisses, ma Foncine nous serons irrésistibles ! »
Cela se bousculait autour de moi. Foncine qui se laissait approcher par un homme.
Le petit frère revenait du sanatorium.
Le grand frère avait mis la charrue avant les bœufs, il fallait le marié au plus vite, et moi j’aurais vingt ans à la saint Georges.
A la saint Georges, sèment tes orges.
J’ai l’intention de semer de l’avoine, moi, de l’avoine pour attirer le mulet, ou bien le bon cheval. Les gens disent que je ressemble à une chèvre perchée sur mes talons. Et bien chèvre, tient la bien, deux tu l’auras ! Elle saura se faire biquette aussi ! Quand elle aura dégoté le z’animal bien sous tous rapports.  Rapport à l’argent.   Rapport à la liberté.  Rapport à la place dans la société, la bonne société.  Rapport aux parents.
A la fête de la sainte Barbe, soleil peu darde,  l’âne se fait la barbe (les poils d’hiver)
Je n’y avais pas prêté attention, mais il y avait eu cette rencontre étonnante, qui m’avait mise en rogne, d’ailleurs :
Il y a deux jours donc, il faisait frisquet. J’avais mon jupon de laine, qui tombait, car j’avais encore perdu du tour de taille.
J’ai dû, sauter fissa dans le fossé. Un bougre menait son attelage trop vivement. Il faisait bien froid et il était tête dénudée : 
« L’âne ! Je criais, il m’a point vu, lui faut des mirettes, ce bougre d’âne. »
Son attelage était en fait deux chevaux de trait au galop et lui était debout sur le col des bêtes. J’ai compris cela quand j’ai vu la queue des bestiaux.
Tourneboulée par les paroles de Foncine. Après un long moment de solitude, je revois l’instant. Un détail, a dû m’échapper. Je ne connais pas le drôle qui chevauchait les bêtes.
Quelques jours auprès de la mère, du frérot p’tipierre, m’affligèrent un coup au cœur :
« Ce n’est pas moi cette fille, ces simagrées d’attention pour l’autre. Ce doit être la famille chez qui je vis. Elle m’adoucit le caractère ou quoi ?
Pour qui ?
Pour mon frère, il a juste dix-sept ans et c’est une épave, maigre, fatiguée. Il a trop utilisé de térébenthine, cet alcool fabriqué, pour calmer les douleurs !
Le frérot, il se pisse dessus !
La mère courbée, comme elle est, maigre, ne peut pas assurer, c’est sûr !
Ils m’ont empoissonné ma jeunesse, fallait économiser, ne pas faire de bruit, courber l’échine, horrible !
Jamais aucun chien ne venait se réfugier auprès de la mère, il aurait pris du bâton !
Un chat, il aurait fini dans la marmite.
Le frérot, je sais d’où il sort, un courant d’air, à ce qu’on dit, ouais !
Il sortait du trou de l’évier, le courant d’air, c’est sûr, pourri comme il est, ce n’est pas possible autrement!!
J’ai fui la cause, j’ai repris mes fonctions auprès de la dame Lambert.
Le mois de janvier fut glacial, les journées longues.
André le mari, passait ses journées dehors, dès le petit jour, à frotter l’écorce des arbres, à couper les bois morts. Le tout à bras, avec le cheval qui l’accompagnait pour transporter les « fagots ». Il le prenait que l’après midi, lorsque le sol était un peu dégelé. Le vieux cheval avait un problème aux sabots qui le faisait souffrir. Le soir pour nous faire la conversation, André racontait la pénibilité du travail du cheval pendant ces 15 dernières années, et cela faisait pleurer la dame Lambert.
J’étais posée là, sans trop savoir quoi faire. Les larmes me désarçonnaient, je n’avais pas l’habitude des larmes, chez la mère on ne pleurait pas, même pas aux enterrements :
« -Cela fait de la place aux vivants, avec tous ce qu’il a, il en a bien profité, aux autres maintenant. »
Et nous les autres on ne voyait toujours rien venir…   maintenant je me demande d’où, qu’elle tenait cela la mère?
Alors qu’un matin, le froid glacial empêchait, le mari Lambert de sortir avec le cheval, courroucé et abattu, il ne bougea pas de la cuisine.
J’étais bien embêté, et mal à l’aise.
J’ai fait un effort sur moi.
Je chantonnais pour ne pas entendre les petits soufflements, râlement de gorge qu’il faisait.
Mon ouvrage avançait d’autant plus vite que la dame soucieuse restait au lit.
Chez les Lambert, le repas est à midi. Le plateau prêt, attendait le douzième coup, pour être monté dans l’antichambre.
Je déposais les bouts de tissu que m’avait confié Foncine, pour les passer à la vapeur d’eau, afin d’éliminer l’apprêt. Comme je voyais le mari intrigué, je ralentissais le geste. Je déposais les fils de couleurs délicatement en rang pour évaluer les différences de teinte. Voire en recolorer certains avec du blé bouilli, ou une pelure d’oignon. 
Un geste de la tête, avec le menton en avant, il indiqua 
« -Qu’est-ce Edmée ?»
Je lui expliquais, volontiers, tout ce que Foncine m’avait transmis, de la broderie, les lettres aux points de croix, le beau linge marqué des familles. Le trousseau que je comptais me faire, un beau et complet trousseau.
Son visage s’illuminait :
« -Penses-tu, que mon épouse pourrait faire un point ou deux ? Elle aurait la force, et cela égayerai ses journées ! Elle se languit tellement à la maison, que sa maladie s’aggrave !
-Je le crois ! Oui, monsieur Lambert, ce qui aggrave l’état de votre dame. C’est qu’elle sait que le travail est dur dehors, qu’elle ne peut pas faire sa part, c’est ce qui la mine. Elle aurait aimé avoir cet enfant que vous vouliez tant, afin qu’il prenne la relève. Elle s’en veut tellement, d’avoir forcé le destin en reprenant les arbres de son père, que cela vous épuise. Elle se meurt sous le poids de la responsabilité.
- Elle ne m’en a jamais parlé, ma femme de cela ! Je ne lui ai jamais avoué, que j’en pouvais plus de ses arbres, que j’avais bien assez à faire avec les champs. Les arbres, bien sûr les pommes sont ramassées par ceux qui les achètent. Tout le travail du bois, se fait le reste de l’année, et il faut y être presque tous les jours. Les bêtes à nourrir, le foin pour le cheval, les lapins, le jardin, la basse-cour, l’étang cela me font trop. Depuis que tu es ici, je me rends compte, que je n’aurais pas pu continuer ainsi, je serai tombé malade, moi aussi.
-N’en parlons plus monsieur Lambert, je n’aurais pas dû parler de cela !
-Oui, n’en parlons plus ! Le trousseau, c’est que tu va te marier, t’as un promis ?
-Me marier oui, un jour, comme toutes les filles, mais je n’ai pas de promis, ni d’amoureux, on verra. Le trousseau, c’est ma dot à moi, ce sera la plus belle, ma marque de fabrique, qui fera la fierté de ma belle famille, et mon orgueil à moi !
-Bien ! dit monsieur, c’est toujours ce que l’on fait qui compte, ce qu’on construit pour les deux. »
Le clocher donnait son douzième coup, il était temps que je monte son plateau à madame.
Que c’était-il passé ce jour dans cette maisonnée ?
Toute cette tristesse qui enrobait les habitants fut comme chassée !
Même moi, je me suis surprise à vouloir faire plaisir, à ces deux personnes, moi aussi !
Je prenais plus de temps à parler avec Henriette, surtout lorsqu’ensemble, nous tenions nos ouvrages. Napperons, cache-pots, en beaux tissus de coton, qu’André ne manquait de nous ramener, lors de ses déplacements dans les grandes villes. De Troyes, pays de la filature par excellence, André voulant tant faire pour voir encore et encore le sourire sur les lèvres fines d’Henriette, qu’il nous gâtait.
Nous avions amassé un trésor de tissu pour drap, serviettes en nid d’abeilles, éponge bouclette, le tissu était proposé en ballot. Les fils en écheveaux, et même des fils de soie rose, pour broder les chemises si fines, que nous portions sur la peau.
Henriette me proposait ses fameuses recettes à base de pomme, des pâtisseries, des confitures, des pâtes de fruits, des dérivés à base de cidre « ménager » et des fermentations de fruit,  les alcools de marc de pomme.
Délicatement, j’ai pu avoir accès à ces secrets de famille. J’ai pris conscience de l’honneur que l’on me faisait. Le plus beau présent que l’on puisse me faire, à moi la pauvrette. J’existais à presque vingt ans.
Henriette disait, « c’est le plus bel âge, on se croit déjà vieille, mais on est juste à point » Comme elle découvrit ma moue boudeuse, elle alla plus loin, l’étourderie, la jeunesse, le refus, la rébellion, les luttes contre soi, et ce que laisse comme empreinte la famille. Je ne comprenais plus rien, et elle me transmit un secret :
« -Dans le verger, il y des pommiers, dont les pommes sont si acides qu’il faut attendre qu’elles gèlent pour les presser. Non seulement elles donnent plus de jus, mais elles font un cidre particulier, d’une douceur incomparable très prisée, très recherchée, et qui fait la fortune de celui, ou celle, qui sait quand et comment l’obtenir.
Le cidre cristal. Edmée ne l’oublie pas, quand tu n’y arrives pas, eh bien, ce n’est pas encore le moment, ne pas se précipiter, pas d’impatience. »
L’année avançait dans les jours de plus en plus chauds. André sachant son épouse bien occupée et joyeuse, même si la maladie abîmait la vaillance et la détermination d’Henriette. Il prenait plus de plaisir  à inspecter ses arbres. Le cheval l’accompagnait, même si le travail se faisait, de plus en plus, par ceux qui exploitaient les pommes et c’était tout aussi bien.

Le jour des Rameaux approchant, je savais que j’allais revoir Foncine.
C’était les retrouvailles dans les familles, on allait saluer les morts et on choyait les enfants, on fêterait les pâques, la famille se réunissait pour planifier souvent, les étapes de nos vies.
Je n’avais en tête que, revoir Foncine, ainsi que toutes les recettes que j’allais lui offrir. De jolis cahiers d’écolier bien rempli des secrets culinaires d’Henriette. Foncine m’offrirait des schémas de broderie, et des astuces pour placer les points.
Mais quand même, le bougre d’âne qui montait ses chevaux ne me quitte plus la tête !
En chemin pour retrouver la mère au presbytère, je fis un crochet par la maison de Marthe, j’avais des petits présents à lui offrir. J’étais assez fier de moi, de ce que je deviens. D’une écolière fruste, sans vocabulaire, je suis maintenant, une jeune femme vêtue, qui s’exprime bien, qui tient une maison et sait broder. Je lui parlais de ma rencontre.
« - C’est le fils Gourault, s’il était en hiver, sans chemise et sans chapeau, et debout sur les chevaux, c’est Maurice le fils Gourault.
-C’était la première fois que je le voyais. Habite-t-il loin ?
-A un peu plus d’une heure de marche, par les chemins. J’ai bien connu sa grand-mère, elle était institutrice à la Belle-Chaume, qu’elle femme ! Son homme était mobilisé comme tous ceux du bourg pour aller sur le front belge. Il fallait organiser les vendanges, les récoltes, les vêlages, et les gardes d’enfants…Adèle Gourault a remplacé le maire mobilisé à Coulommiers,  elle a fait un excellent travail, qu’elle femme ! Son fils, le même genre, un courageux et gentil avec cela. Il s’est fait mettre le grappin dessus par une fille plus âgée que lui, courageuse, oui, mais alors le caractère, « de vache » quoique je respecte beaucoup les vaches. Nine, petite, ronde, grincheuse et rapace avec cela. ..Le Maurice, c’est un gentil, mais la mère est désespérante ! Edmée, si c’est ce garçon qui t’intéresse, la Nine, elle va te jeter, elle aime l’argent et son chérubin, elle veut bien le marier. Je la connais trop celle-là. »
Pas très en confiance et un peu les pétoches,j’ en parlerais à Maximilien, il doit certainement le connaitre ?
« -Maurice !! Mais il a une sœur, Mauricette, et c’est une camarade de classe d’Aline », me dit mon grand frère juste avant le départ pour le cimetière.  Une messe sera dite dans l’église,  on recevra le curé après, d’ailleurs tu verras pourquoi ! »
Donc, le curé vient manger, il y a une Aline, et je verrai pourquoi ! Moi qui étais pressée de quitter la maison pour voir Foncine, cela me contrarie !
Je pense à Henriette, cela m’apaise, c’est déjà mieux !
Patience allait s’en aller !
Je bloquais mes jambes. Elles avaient la bougeotte. Quand mon frère annonçait à la famille, qu’il allait se fiancer avec Aline, la première quinzaine de mai, et que le Mariage se fera début du mois de septembre. Que le curé ici présent accepte de bénir le mariage, mais que la mariée ne sera pas en blanc !
« -Pas en blanc ?
La mère se pâma, et tomba de sa chaise, le curé regarda ses souliers, et je me suis mise à rire….
«- Normal, la mère, nous sommes tous des enfants, nés de père inconnu, il faut laisser le temps que cela se rattrape, le frère à mis la charrue avant les bœufs, mais il aura un  père cet enfant, ce ne sera ni un mioche, ni un bâtard ».
Tous riaient encore, lorsque Aline la fiancée entra pour le dessert.
Toute petite, avec de petits pieds, de longs cheveux et des yeux verts, mignonne comme tout. Je l’ai adoré tout de suite, ce petit côté juvénile, très fifille et déjà mère, en fait c’était en route. A la façon dont ses yeux couvaient Maxou, je comprenais qu’ils avaient eu beaucoup de plaisir, à le faire ce bébé, ils avaient l’air en phase.
Mon regard l’avait fait rosir, j’ai mis le doigt dans le mille. Enfin l’amour entrait dans cette maison, jusqu’ici, il n’y avait que fourberie, cachoterie, pingrerie, Aline allait tout changer.
Je me sentais, tout à coup libre, de ne pas être obligé de prendre en charge la mère sur le tard de sa vie. La soigner, soit ; mais la câliner aurait été au dessus de mes forces. Quant au frérot, il était docile, quand on le mène à la baguette, j’en ferais mon affaire.
Maxou, ravi de l’atmosphère, qui se détendait, était loquasse.
Il allait conduire un camion avec les deux  frères d’Aline. Le père désormais, sur Avallon faisait le national. Maxou, pourrait revenir chaque fin de semaine. Aline continuerait d’habiter la maison, elle était assez grande pour tous.
Un frère habitait une maison neuve qu’il avait fait construire avec sa femme, vers la zone industrielle, l’autre fils habitait avec le père. La maison ne sera pas vide, il y aurait Aline et l’enfant, la semaine. Aline rédige les courriers, les  bons de commandes, les factures, les prévisionnels, les déclarations de douanes.
« -On vous verra plus dit la mère, qui rentrera le bois ? Et le reste ? Ta sœur s’est louée chez des étrangers ! Et le petit est un jaculon, n’y a rien à en tirer !
-Ben voilà !!! Ce que tu penses de nous, bravo la mère, je retiens …  dis-je rageusement, hé bien ! Maxou tu t-y colles, tu te souviens la mère, ce n’est pas un cadeau, c’est une bourrique, alors on va bien réfléchir avant d’agir, ce n’est pas les jérémiades qui vont faire reculer la prudence. Tant que le curé accepte la présence si râpeuse de la mère et son chérubin, il n’y a pas urgence. Faites votre bébé tranquillement. ..Je suis louée pas vendu, et je viens souvent par ici. Le frérot, il faut lui expliquer ce qu’on attend de lui. Il sera ravi de faire plaisir, c’est sûr, c’est l’homme de la famille ! Elle n’est pas toute seule la mère. ! »
Je n’avais qu’une hâte retrouver Foncine. Mais le curé en décida autrement, il s’empressa de m’accompagner.
Il m’expliqua, que ce n’était pas le frérot qui posait problème, c’est la mère, elle le traite comme un chien, elle le fout dehors régulièrement sans rien à manger, il se réfugie dans les étables.
Heureusement que des voisins acceptent sa présence.
Cet été avec les parisiens qui reviennent dans leur domaine, ils risquent d’appeler la maréchaussée, il ne faudrait pas que votre frère se retrouve en prison pour vagabondage.
« -Il va être déporté ?
-Non !! Edmée, cela ne se fait plus, mais votre frère, s’il va en prison, jeune et fragile comme il est, il sera le jouet des tolards endurcis, il sera leur esclave, pour les corvées et le soulagement !
-Il y a du soulagement en prison….
- Pas comme tu crois, il n’y a pas de femme en prison, c’est ton frère qui sera contraint de faire la femme à coup de gnons et de torniolles.
- Oh non, pas cela, au nom de Dieu, non pas cela, il n’a jamais eu de joie le frérot.
- Voilà pourquoi, je voulais t’entretenir  de ce fait, comprends- tu Edmée ? Tu es devenu une femme élégante, et ton regard en dit beaucoup sur ton évolution intérieur, c’est toi la maitresse de ta famille, Edmée !!..Ton frère, va être père, c’est le meilleur qui puisse lui arriver : il sera un bon père et un bon gendre, j’en suis sûr, il est courageux, il lui faudra du tact avec sa futur femme, elle est si douce, il n’est pas habitué Maximilien à la douceur, il ne faudrait pas qu’il prenne cela pour de la faiblesse, n’est-ce-pas dans vos tables ?
- Hélas oui, la mère, nous a planté cela dans la, tête !!
-Viens à la messe de Pâques, je te remettrais un livre qui peut être pourra t’aider.
- Oui, la messe, à la messe il y aura beaucoup de famille du canton, oui je viendrai, merci curé !
-Je m’appelle Brice, à bientôt Edmée »
Là, il était plus que temps, que je parle à Foncine, j’avais un goût amer dans la bouche et je n’arrivais pas bien à avaler cette salive râpeuse.
Foncine m’attendait, près d’une stèle édifiée pour la commémoration du 8 mai 1945, elle remplaçait la fontaine offerte aux Américains lorsqu’ils nous ont libérés.
Il y avait tant de mauvaises choses qui se sont déroulées autour ou dans cette fontaine. C’est très bien que les Américains l’aient emmené, alors la polémique autour, je ne vois pas pourquoi ?
Tout sourire, Foncine m’informa qu’il y aura pour le 1er mai un bal sous une rotonde, incroyable, cela faisait bien longtemps qu’on n’avait pas vu un bal ici !
Avec un groupe de musiciens du pays de Vaujurennes dans l’Aube, un garçon et sa sœur qui sortent d’une ferme de Mesgère à deux pas, en haut sur la butte, c’est génial non !
« -Ah oui Foncine ! et plus encore.. La voix s’effilocha
 -T’as l’air toute chose, raconte…
-Le curé vient de me dire que la mère devient folle de méchanceté. Elle traite le frérot comme un chien, elle le fout dehors et il vagabonde. Si personne ne s’occupe de cela, il finira en prison le frérot pour le tapage, il servira de paillasse aux autres détenus.
-C’est pas bon tout cela, vraiment pas bon.. Accentua Foncine.
-Surtout que Maxou, se fiance en mai et se mariera en septembre, il vivra loin en Avalon, chez la famille de sa femme. Il a un travail, il conduit un camion. Tu te rends compte !!!, c’est bien cela, le travail, la fille et tout !! Mais si la mère déraille, c’est tout l’édifice qui va s’écrouler. La mère, a toujours était méchante, mais elle va pas encore empêcher Maxou de se marier, et moi de faire ma vie, c’est insupportable, insupportable vraiment !!
- Ne t’emballe pas Edmée, tu as quelques mois devant toi, pense à autre chose, c’est les pâques, pense à cela. Pour moi cela se précise, Ernest me fait officiellement la coure. Je le laisse approcher, il est fou de la finesse de ma cheville, de la finesse de mon poignet, de la finesse de ma taille, de la finesse de mes oreilles. Pour l’instant il embrasse toutes les parties fines de mon anatomie, sauf la taille bien sûr, j’adore. J’ignorais que cela pouvait être aussi farouchement excitant, des frissons, des frissons, cette douceur, c’est fou…J’ai hâte de dégrafer mon corsage, pour qu’il trouve l’attache de mes épaules fines et les embrasses, tu vois ce que je veux dire…….Ne t’assombris pas mon Edmée ! Tu connaîtras toi aussi, le frisson, lorsqu’une personne de sexe opposé t’effleure.
-C’est bien, ce qui me fait peur, la mère nous a horrifié avec ses racontars, sur les hommes, la brutalité, les claques dans la gueule, l’homme qui te retourne et qui s’acharne dans tes fesses, et plus tu hurles, plus il frappe fort…
-Arrête, je crois que ta mère ; soit elle a dit cela, pour que tu t’approches pas des garçons, pour te garder à la maison. Soit elle  a connu un type comme cela. Elle n’a quand même fait trois gosses, quand même pas tous, dans la violence ? Non ?
- Sans doute oui, je m’affole pour rien, Aline la fiancé de Maxou, avait l’air plutôt ravie de l’aventure, elle a rosie lorsque la famille parlait du futur rejeton ! »
Nous échangions nos cadeaux, et finissons la journée à papoter, de notre avenir, et de comment s’attifer pour le bal du 1er Mai.                        
Les fiançailles de Maxou et d’Aline se feraient à la même période, il faut préparer au moins deux tenues.
« - Voilà l’occasion de réutiliser la toile de parachute laissé par les Anglais dans la ferme de ma pauvre mère ! » commenta Foncine.           
Le jour de Pâques, l’église était pleine, j’attendais sur le pas de la porte et je saluais les dames et les hommes, qui y rentraient. J’ai choisi, posé sur ma robe, un fichu brodé qui faisait son effet. Une aumônière ronde brodée, au poignet, dans laquelle dépassait le livre offert par le curé Brice.
Pas de Maurice, mais Aline avait salué Mauricette, la sœur. Leur mère était-elle dans l’assemblée, Marthe me fit non de la tête.
C’est en traversant la place, que j’aperçus Maurice. En compagnie de cinq à six garçons, il avait un genre chenapan, qui n’était pas pour me déplaire.
Aline dans les sillages de Maxou, saluait le groupe. A leur mine ravie, les fiançailles étaient annoncées et le bal devait en être le bouquet. Voilà qui est bien, je serrai mes genoux l’un contre l’autre, mais ce n’était pas de froid. L’inconnu me donnait le frisson. Foncine me regardait en souriant, elle avait compris, d’un regard, elle me chuchota dans l’oreille :
« - Il te faut une éducation sexuelle, viens dans la famille où je travaille, juste quelques jours. Les gracieuses vont te dire ! Moi je suis une novice en la matière, elles font mon éducation. Si, je t’assure, viens quelques jours, tu ne seras pas déçue, n’as-tu pas deux tenues à prévoir pour les occasions, et tout juste un mois, donc tu viens, je te filerai un bon coup de main ».


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

LE LIVRE PERDU DU DIEU ENKI 2

A tt e s t a t i on     P a r o l es d ’ E nd u b s a r , f il s de l a v ill e d ’ E r i du, s er v it e u r du g r and d i e u l e s e i gn e ur E nk i .         L e s e p ti è m e j our du se c ond m o i s de l a s e p ti è m e a nn é e qui s u i v i t l a G r a nde C a t a s t r oph e , j e f us c onvoqué p a r m on m a ît r e l e s e i gn e ur E nk i , g r a nd d i e u, c r éa t e ur b i e nv e i l l a nt de l ’ H u m a n it é , o m n i po t e nt e t m a gn a n im e .   J e f a i s a i s p a r ti e d e s s u r v i v a n t s d ’ E r i du, de c e ux qui a v a i e nt f ui d a ns l e s s t e pp e s a r i d e s a l o r s que l e V e nt M a uv a i s a pp r o c h a i t de l a v ill e . J e m ’ é t a i s é l o i gné d a ns l e d és e r t à l a r e c h e r c he de b r i nd i ll e s s è c h e s pour l e f e u. E n r e l e v a nt l a t ê t e , j ’ a p e r ç us un T ou r b ill on

LE BON CHEVALIER DE FRILEUSE

CONTES DE CALIBAN CONTES FACÉTIEUX LE BON CHEVALIER DE FRILEUSE M. le chevalier de Frileuse était le plus galant homme de ce monde. Il en était également le plus heureux, non pas que le long de sa route il n'eût été çà et là accroché par quelques buissons d'épines, mais les plus piquantes s'émoussaient sur la peau de philosophe qu'il s'était faite. Et qui dit peau de philosophe parle d'un cuir à toute épreuve. Le chevalier avait beaucoup d'esprit, mais plus encore de prudence. Aussi ne connaissait-on de lui qu'un seul trait malin, qui était d'avoir vécu cinquante-quatre ans sans offenser personne. Ce trait d'esprit devenait d'ailleurs incontestable pour quiconque savait les ruses admirables au moyen desquelles M. de Frileuse était parvenu à rester célibataire. Rien qu'à la façon dont il abordait une veuve, vous l'eussiez proclamé grand politique. Et cependant on se prenait à l'aimer quand on le voyait passer de
LES CHEMISES SANGLANTES J'ignore si depuis 1886, année de mon excursion en Corse, Sartène s'est hausmanisée, et même humanisée, mais elle était alors la citadelle de la vendetta. Il y a des villes blondes, et des rousses, Sartène est brune. De ses maisons en terrasses, échelonnées, comme des chèvres, au versant de l'Incudine, la vue plane et plonge sur la vallée de Figari, la Tempé corse, vaste vignoble onduleux, violet en septembre, brodé et ourlé d'or où l'on presse certain vin, essence de soleil, dont un seul verre abat son homme. C'est non loin de là, sur la route de Bonifacio que, dans l'ombre du mont Quiéta, le bien nommé, se cache, sous les pins ombellifères, un monastère blanc sans moines, désert, distillerie aérienne d'aromates, où j'ai laissé l'un des rêves de ma vie, le rêve de «quiétude». Lorsque nous le découvrîmes, mes compagnons de route et moi, au hasard d'une chevauchée, d'ailleurs asinesque, à travers les lianes