LES PAROLES DU SEIGNEUR ENKI
Synopsis de la Première Tablette
Lamentations sur la dévastation de Sumer
Abandon des villes par les dieux
à l’arrivée du nuage nucléaire
Les débats au Conseil des dieux
La décision fatidique de déclencher les Armes de la Terreur
L’origine des dieux et des armes redoutables de Nibiru
Les guerres sud-nord sur Nibiru, l’unification,
et les règles dynastiques
La place de Nibiru dans le système solaire
Une atmosphère mourante provoque
des changements climatiques
Efforts déployés pour obtenir l’or
qui permettrait de protéger l’atmosphère
Alalu, un usurpateur, se sert de l’arme nucléaire
pour stimuler les gaz volcaniques
Anu, l’héritier de la dynastie, dépose Alalu
Alalu s’empare
d’un
vaisseau
spatial et s’échappe de
Nibiru
Représentations de Nibiru, planète rayonnante
PREMIÈRE TABLETTE
Paroles du seigneur Enki, premier-né du roi de Nibiru, Anu.
Amères sont les larmes qui remplissent mon cœur. La Terre est ravagée. Son peuple est livré au Vent Mauvais, ses étables sont abandonnées, ses parcs à moutons déserts.
Détruites, les villes. Empilés, les corps sans vie de leurs habitants dont le souffle a été emporté par le Vent Mauvais.
Dévastés, les champs. La végétation touchée par le Vent Mauvais est atrophiée.
Mortes, les rivières. Plus un poisson n’y nage, l’eau pure est devenue poison.
De son peuple aux cheveux noirs Shumer est vidée, toute vie l’a quittée.
De ses vaches et de ses moutons Shumer est vidée, on n’entend plus le ronronnement de la baratte dans laquelle tourne le lait.
Dans ces glorieuses cités, seul hurle le vent. L’odeur de la mort pour tout encens.
Les temples dont les toits se dressaient jusqu’aux cieux ont été abandonnés par les dieux.
Point de seigneurs, point de rois. Sceptre et tiare ne sont plus là. Sur les berges des deux grands fleuves, jadis luxuriantes et pleines de vies, ne poussent plus que de mauvaises herbes. Personne ne foule la voie publique, personne ne cherche sa route. La florissante Shumer est telle un désert abandonné. Ravagée, la terre des dieux et les hommes!
Sur cette terre s’est abattue une calamité encore inconnue à l’homme.
Une calamité implacable, d’un genre nouveau, a frappé l’Humanité.
La terreur a étendu sa main sur toutes les terres, d’est en ouest. Les dieux, dans leurs cités, étaient aussi impuissants que les hommes!
Un Vent Mauvais, une tempête née dans une plaine éloignée, une Grande Calamité, a tout ravagé tout sur son passage.
Un vent né dans l’ouest et semant la mort s’est frayé un chemin jusque dans l’est, suivant le trajet que le destin avait tracé pour lui.
Une tempête aussi vorace que le déluge, un meurtrier de vent et non d’eau. Un raz-de-marée d’air empoisonné.
Ce fut le sort, et non le destin, qui l’engendra. Les grands dieux, leur Conseil, avaient provoqué la Grande Calamité.
Enlil et Ninharsag l’avaient permis. Je fus le seul à tenter de l’arrêter.
Nuit et jour, je les implorai en vain d’accepter la volonté des cieux.
Le guerrier Ninurta, fils d’Enlil, et mon propre fils Nergal ont déchaîné les armes empoisonnées dans la grande plaine.
– Nous ne nous doutions pas que l’explosion serait suivie d’un Vent Mauvais! Qui aurait pu prévoir que la tempête funeste se dirigerait vers l’est! se lamentent maintenant les dieux, horrifiés.
Dans leurs cités sacrées, ils n’ont pas voulu croire que le Vent Mauvais se dirigeait vers Shumer.
L’un après l’autre, ils ont déserté leurs villes, abandonnant leurs temples au vent.
Lorsque le nuage empoisonné s’est approché d’Eridu, ma ville, je n’ai pas réussi à l’arrêter.
– Fuyez dans la steppe ouverte! J’ai prévenu le peuple puis ai abandonné la ville en compagnie de Ninki, mon épouse.
Dans sa ville de Nippur, où se trouve le Lien Ciel-Terre, Enlil était impuissant.
Le Vent Mauvais se ruait vers Nippur. Enlil et son épouse s’enfuirent en hâte à bord de leur Barque Céleste.
À Ur, ville des rois de Shumer, Nannar appelait son père à l’aide.
Dans le temple qui en sept marches mène aux cieux, il refusait de se soumettre à la main du sort.
– Mon père, toi qui m’as engendré, grand dieu qui as accordé le trône à Ur, repousse le mal!
Grand dieu qui commandes au destin, permets à Ur et à son peuple d’être épargné, tous t’en seront reconnaissants! implora Nannar.
– Noble fils, le trône fut accordé à ta merveilleuse ville, mais il ne lui fut pas promis que ce règne durerait pour l’éternité.
Prends ton épouse Ningal, et fuis la ville! Si je décrète le sort, je ne puis infléchir le cours de la destinée!
Ainsi répondit mon frère Enlil.
Hélas, ce n’était pas la destinée!
Une calamité sans égale depuis le Déluge avait frappé dieux et Terriens. Non, ce n’était pas la destinée!
Le Grand Déluge devait avoir lieu. Mais pas la Grande Calamité, pas cette tempête semant la mort.
Par un vœu brisé, par une décision du Conseil elle fut causée. Par les Armes de Terreur elle fut engendrée.
Ce fut une décision, et non le destin, qui déclencha les armes empoisonnées. Le sort fut fixé par délibération.
Les deux fils ont envoyé la destruction aux trousses de Mardouk, mon fils aîné. Leurs cœurs criaient vengeance.
– La suprématie ne doit pas revenir à Mardouk! Contre lui je prendrai les armes! avait déclaré Ninurta, le fils aîné d’Enlil.
– Il a levé une armée de Terriens, déclaré que Babel était le centre du monde! avait crié Nergal, le frère de Mardouk.
Des mots venimeux s’étaient répandus dans le Conseil des grands dieux.
Jour et nuit j’ai tenté de m’y opposer, plaidant pour la paix, déplorant la hâte.
– Pour la seconde fois le peuple a brandi son image divine, pourquoi continuer à s’y opposer?
Les instruments ont-ils été bien consultés? L’ère de Mardouk dans les cieux n’est-elle pas arrivée? demandais-je, suppliant.
Ningishzidda, mon propre fils, invoqua d’autres signes du ciel. Je savais que dans son cœur, il ne pouvait pardonner l’injustice de Mardouk à son égard.
Nannar, né à Enlil sur la Terre, était tout aussi acharné.
– Mardouk a fait sien mon temple dans la ville du nord! dit-il.
Ishkur, le plus jeune fils d’Enlil, demandait réparation.
C’est Nabu qui était la cible du courroux d’Utu, fils de Nannar:
– Il a tenté de s’emparer du Spatioport!
Inanna, la sœur jumelle d’Utu, était la plus furieuse de tous. Elle demandait à ce que Mardouk soit puni pour l’assassinat de son Dumuzi bien-aimé.
Ninharsag, mère des dieux et des hommes, détourna le regard.
– Pourquoi Mardouk n’est-il pas ici? se contenta-t-elle de dire.
Gibil, mon propre fils, répondit, découragé:
– Mardouk a ignoré tous les traités. Il s’appuie sur les signes célestes pour clamer sa suprématie.
– Seules les armes peuvent l’arrêter! cria Ninurta, le premier fils d’Enlil.
Utu craignait pour la protection du Spatioport:
– Aux mains de Mardouk il ne doit pas tomber! dit-il.
– Nous n’avons qu’à nous servir des anciennes Armes de la Terreur pour le détruire! répondit Nergal, seigneur du Domaine du Dessous.
Incrédule, je regardai mon fils. Il proposait d’utiliser les Armes de la Terreur contre son propre frère!
Pour tout consentement, il n’y eut que le silence.
Enlil prit enfin la parole:
– Il doit y avoir châtiment. Mardouk et Nabu nous privent de notre héritage. Privons-les de leurs ailes, privons-les du Spatioport!
– Que le Spatioport soit réduit en cendres et tombe dans l’oubli! Laissez-moi me charger de l’incendier! cria Ninurta
Excité, Nergal se leva et cria:
– Laissez-moi détruire les villes des malfaiteurs, les villes du péché. Que l’on m’appelle l’Anéantisseur!
– Les Terriens, que nous avons créés, ne doivent pas être blessés. Les justes ne doivent pas périr avec les pécheurs, dis-je avec force.
Ninharsag, qui m’avait accompagné dans leur création, était d’accord:
– Cela ne regarde que les dieux, le peuple ne doit pas en souffrir.
Anu, depuis sa demeure céleste, prêtait une grande attention aux discussions.
Lui qui détermine le sort fit entendre sa voix:
– Accordons pour cette fois l’usage des Armes de Terreur, que le Spatioport soit détruit, que le peuple soit épargné.
Enlil annonça la décision qui avait été prise:
– Que Ninurta soit l’Incendiaire, et Nergal l’Anéantisseur. Je vais leur révéler un secret des dieux: la cachette des Armes de la Terreur.
Enlil convoqua son fils et le mien dans sa chambre personnelle. Passant devant moi, Nergal évita mon regard.
Hélas! je criai silencieusement, un frère retourné contre son frère! Les Temps Premiers sont-ils condamnés à se répéter?
Enlil leur révéla le secret des Temps Anciens qui leur donnerait accès aux Armes.
Chargées de terreur, elles se déclenchent avec un
éclair, tout ce qu’elles
touchent
devient poussière.
Elles devaient permettre de régler une querelle entre frères sans détruire aucune région.
La promesse a été brisée comme un pot en pièces inutiles.
Les deux fils, pleins d’allégresse, émergèrent de la chambre d’Enlil d’un pas vif et partirent en quête des armes.
Les autres dieux retournèrent vers leurs villes, sans qu’aucun ne se doute de la catastrophe qui allait les toucher personnellement.
Je vais maintenant parler des Temps Anciens et des Armes de la Terreur.
Avant les Temps Premiers fut le Commencement, après les Temps Premiers furent les Temps Anciens.
Dans les Temps Anciens les dieux vinrent sur Terre et créèrent les Terriens.
Dans les Temps Premiers, aucun dieu ne régnait sur Terre, et les Terriens n’existaient pas.
Dans les Temps Premiers, les dieux demeuraient sur Nibiru, leur propre planète.
Nibiru est une grande planète qui rayonne d’un éclat rouge. Elle décrit une ellipse autour du Soleil.
Sur une partie de son orbite elle est plongée dans le froid, sur une autre partie elle est violemment réchauffée par les rayons du Soleil.
Une épaisse atmosphère l’enveloppe, constamment nourrie par des éruptions volcaniques.
Cette atmosphère permet à la vie d’exister, sans elle il n’y aurait que mort.
Pendant la période froide, elle retient la chaleur interne de la planète, telle un manteau douillet constamment renouvelé.
Pendant la période chaude, elle protège Nibiru des rayons ardents du Soleil.
Elle donne naissance à la pluie, créant lac et ruisseaux.
Notre atmosphère nourrit et protège une végétation luxuriante, elle est à l’origine de toutes les formes de vie dans les eaux et sur le sol.
Notre espèce est apparue bien plus tard, naturellement capable de se reproduire.
Notre population grandit, nos ancêtres colonisèrent de nombreuses régions de Nibiru.
Certains labouraient la terre, d’autres élevaient des créatures à quatre pattes.
Certains vivaient dans les montagnes, d’autres avaient construit leurs maisons dans les vallées.
Des rivalités apparurent, des intrusions et affrontements eurent lieu, les bâtons devinrent des armes.
Les clans se regroupèrent en tribus, jusqu’à ce que deux grandes nations se retrouvent face à face.
La nation du nord prit les armes contre celle du sud.
On transforma en projectile ce que l’on avait sous la main. Des armes de tonnerre et d’éclair virent renforcer la terreur.
Une guerre, longue et acharnée, déchira la planète. Frère contre frère.
Le nord comme le sud étaient frappés par la mort et la destruction.
Pendant de nombreux cycles, la désolation régna sur le monde. Toutes les formes de vie étaient touchées.
Puis une trêve fut déclarée, et la paix négociée.
Les émissaires proposèrent d’unir les nations.
Qu’il n’y ait qu’un trône sur Nibiru, un roi pour régner sur tout.
Qu’un meneur venant du nord ou du sud soit désigné par le sort et devienne le roi suprême.
S’il venait du nord, le sud devrait choisir une femme pour être son épouse et régner à ses côtés en tant que reine.
Si le sort désignait un homme du sud, une femme du nord deviendrait son épouse.
Mari et femme ne feraient plus qu’un.
Leur premier fils leur succéderait, une dynastie unifiée serait ainsi formée et l’unité de Nibiru pour toujours établie.
Au milieu des ruines naquit la paix. Le nord et le sud furent unis par les liens du mariage.
Une lignée royale vit le jour.
Le premier roi depuis la paix fut couronné. C’était un guerrier du nord, un commandant puissant.
Il avait été désigné par le sort. C’était un chef droit et juste. Tous acceptaient ses décisions.
Pour abriter sa demeure il construisit une ville splendide appelée Agade, ce qui veut dire « Unité ».
Il reçut un titre royal, An « Le Divin ».
D’une main ferme il rétablit l’ordre et décréta lois et règles.
Il nomma pour chaque région un gouverneur pour chaque région, dont la tâche principale était de reconstruire et unifier les terres.
Les annales royales parlent de lui en ces mots: An unifia les terres, il restaura la paix sur Nibiru.
Il construisit une nouvelle ville, répara les canaux, nourrit le peuple. Les terres retrouvèrent l’abondance.
Pour épouse le sud lui choisit une jeune fille connue pour ses talents dans les jeux de l’amour comme à la guerre.
Son titre royal était An. Tu. Ce nom habilement choisi signifiait « Le chef qui a épousé An ».
Elle donna à An trois fils et aucune fille. Le premier fils reçut d’elle le nom d’An.Ki, « Solides Fondations d’An ».
An.Ki monta seul sur le trône. Le choix d’une épouse fut repoussé par deux fois.
Au cours de son règne, des concubines furent amenées au palais, mais aucun fils ne naquit.
La dynastie ainsi commencée fut perturbée par la mort d’Anki. Rien n’avait été construit sur ses fondations.
Le second fils fut donc déclaré héritier légitime, bien qu’il ne fût pas l’aîné.
Il avait grandi dans une fratrie de trois, et sa mère l’appelait tendrement Ib, « Celui du milieu ».
Dans les annales royales il est appelé An. Ib, « Fils d’An ».
An.Ib succéda à son père sur le trône de Nibiru. Il était le troisième à régner.
Pour épouse, il choisit la fille de son frère cadet. Elle s’appelle Nin.Ib, la Dame d’Ib.
Ninib donna à Anib un fils, qui lui succéda sur le trône. C’était le quatrième roi.
Il choisit le nom royal d’An.Shar.Gal, « le plus grand des princes d’An ».
Son épouse, une demi-sœur, fut rebaptisée en conséquence Ki.Shar.Gal.
Le savoir et la compréhension étaient sa principale ambition, il observait assidûment les cieux.
Ayant étudié la grande orbite de Nibiru, il décida d’appeler « Shar » un cycle complet.
Le Shar correspond à une année nibirienne, et permet de calculer et de noter la durée des règnes royaux.
An.Ib divisa le Shar en dix périodes et proclama deux festivals.
Au moment où Nibiru se trouvait au plus près du Soleil, on célébrait le festival de la chaleur.
Lorsque Nibiru était exilée au loin, avait lieu le festival du froid.
Remplaçant les anciens festivals des tribus et des nations, c’est pour unifier le peuple qu’ils furent créés.
Par décret, il établit des lois régissant les relations entre mari et femme, fils et filles.
Les coutumes des premières tribus s’étendirent à tout le pays.
À cause des guerres, le nombre de femmes dépassait largement celui des hommes.
Il décréta des lois pour les hommes qui ont plus d’une femme.
Selon la loi, une femme devait être choisie pour épouse officielle et appelée Première Épouse.
Selon la loi, le premier fils devait succéder à son père.
Ces lois apportèrent la confusion. Si un premier fils naissait à une autre que la Première Épouse et que la Première Épouse donnait ensuite naissance à un fils, lequel était l’héritier légitime?
Qui devait accéder à la succession? Le premier-né par le nombre des Shars, ou le premier-né de la Première Épouse?
Le premier-né? L’héritier légitime? Qui devait hériter? Qui devait réussir?
Lors du règne d’Anshargal, Kishargal fut nommée Première Épouse. Elle était la demi-sœur du roi.
Des concubines furent à nouveau introduites au palais.
Les concubines donnèrent au roi fils et filles.
C’est l’une d’entre elles qui donna naissance au premier fils. Le premier-né était le fils d’une concubine.
Puis Kishargal eut un fils. Il était l’héritier légitime selon la loi, mais il n’était pas le premier-né.
Dans le palais s’éleva la voix courroucée de Kishargal:
– Si la loi écarte de la succession mon fils, né d’une Première Épouse, ne négligeons pas son double héritage!
Le roi et moi n’avons pas la même mère, mais nous avons le même père.
Je suis la demi-sœur du roi, il est mon demi-frère.
Ainsi mon fils possède par deux fois l’héritage de notre père Anib!
Que désormais prévale la Loi de la Semence!
Que désormais le fils d’une demi-sœur, quel que soit son rang de naissance, accède à la succession
avant tous les autres fils!
Anshargal était favorable à la Loi de la Semence, qui permettrait d’éviter des confusions entre épouses et concubines, mariage et divorce.
Au Conseil, les conseillers royaux adoptèrent la Loi de la Semence pour la succession.
Sur l’ordre du roi, les scribes prirent note du décret.
Le roi suivant fut donc choisi en accord avec la Loi de la Semence.
Il reçut le nom royal d’An.Shar. Il fut le cinquième à monter sur le trône.
Je vais maintenant raconter le règne d’Anshar et des rois qui lui succédèrent.
Le changement de loi contraria les autres princes. Il y eut des mots, mais point de rébellion.
Pour Première Épouse Anshar choisit l’une de ses demi-sœurs. Elle s’appelait Ki.Shar.
Ainsi, la dynastie se prolongea suivant cette loi.
Au cours du règne d’Anshar, les récoltes se mirent à diminuer, fruits et céréales n’étaient plus abondants.
De cycle en cycle, la chaleur devint plus étouffante aux abords du Soleil, et le froid plus mordant lorsqu’on s’en éloignait.
À Agade, la ville du trône, le roi rassembla les sages.
Il chargea érudits et sages d’étudier le phénomène.
Ils examinèrent la terre et le sol, les lacs et les ruisseaux.
– Cela s’est déjà produit, affirmaient certains. Dans le passé Nibiru a été plus froide et plus chaude. C’est le destin, ancré dans l’orbite de Nibiru.
D’autres sages, observant le cycle, ne pensaient pas que le destin soit en cause.
Ils découvrirent une brèche dans l’atmosphère.
– Les volcans, pères de l’atmosphère, ne crachent plus autant de gaz!
L’atmosphère de Nibiru est moins épaisse, le bouclier protecteur a diminué!
Le règne d’Anshar et de Kishar vit la peste envahir les champs. Le travail ne suffit pas à y remédier.
Puis leur fils En.Shar accéda au trône. Il était le sixième roi de la dynastie.
Son nom signifiait « Maître des Shars ».
Doté d’une grande intelligence, il étudia et acquit un grand savoir.
Cherchant un moyen de remédier à ce malheur, il étudiait assidûment le parcours céleste de Nibiru.
– Sur sa route, elle croise les cinq membres de la famille du Soleil, planètes d’une incroyable beauté.
Pour trouver un remède, leurs atmosphères doivent être étudiées.
Il baptisa chacune d’entre elles d’après les ancêtres qu’il respectait et qu’il pensait leur être liés.
An et Antu, les planètes jumelles, ainsi nomma-t-il les deux premières qu’il rencontra.
Plus loin sur le parcours de Nibiru se trouvaient Anshar et Kishar, les plus imposantes en taille.
Tel un messager Gaga circulait entre les autres.
Il était parfois le premier à accueillir Nibiru.
En tout, cinq êtres divins saluaient Nibiru sur le parcours autour du Soleil.
Au-delà, le Bracelet Martelé dressait une barrière autour du Soleil.
Tel un gardien, il défendait la région interdite des cieux, protégeant les quatre autres enfants du Soleil.
Enshar décida d’étudier l’atmosphère des cinq planètes accessibles.
Il observa attentivement les atmosphères de chacune d’entre elles circuit après circuit, depuis Nibiru ou à bord de Chars Célestes.
Les trouvailles étaient incroyables, les découvertes déroutantes.
De circuit en circuit la brèche dans l’atmosphère de Nibiru s’élargissait.
Au conseil, les savants recherchaient activement le meilleur moyen de panser cette blessure.
Ils tentèrent de créer un bouclier qui envelopperait la planète, mais tout ce qui avait été projeté dans le ciel retomba.
Ils étudièrent les émissions des volcans.
– C’est par eux que l’atmosphère a été créée, la brèche ne peut venir que d’une diminution que leurs rejets.
Qu’une nouvelle invention les incite à cracher, que les volcans entrent à nouveau en éruption! disait un groupe de savants.
Mais personne n’était capable de dire au roi comment y parvenir.
Au cours du règne d’Enshar la brèche dans le ciel s’élargit davantage.
La pluie ne tombait pas, les vents se faisaient plus violents, les sources ne jaillissaient plus des profondeurs.
Une malédiction frappa la campagne, la poitrine des mères était tarie.
La détresse s’installa au palais, et le sort s’acharna contre lui.
Pour Première Épouse, Enshar avait pris l’une de ses demisœurs, obéissant à la Loi de la Semence.
Elle s’appelait Nin.Shar, la Dame des Shars. Elle ne porta pas de fils.
L’une des concubines d’Enshar eut un fils, il était le premier-né.
Par Ninshar, Première Épouse et demi-sœur, aucun fils ne vit le jour.
Suivant la Loi de succession, le fils de la concubine accéda au trône. Il fut le septième à régner.
Son nom royal était Du.Uru.
C’est dans la maison des concubines, et non au palais, qu’il avait été conçu.
Pour épouse il choisit une jeune fille appelée Duuru, qu’il aimait depuis sa jeunesse. Il choisit sa Première Épouse par amour, sans suivre la Loi de la Semence.
Da.Uru, « Celle qui est à mes côtés », était son nom royal.
La confusion régnait à la cour. Nul fils pour hériter, nulle demisœur pour femme.
Les campagnes souffraient de plus en plus. L’abondance des récoltes n’était plus qu’un souvenir, la fertilité du peuple était en baisse.
Au palais, elle faisait complètement défaut: il ne naquit ni fils ni fille.
Sept rois descendirent de la semence d’An, puis cette lignée se tarit.
Aux portes du palais Dauru trouva un enfant, comme son propre fils elle l’éleva.
Dauru finit par adopter l’enfant, et le déclara héritier légitime. Son nom était Lahma, « Sécheresse ».
Au palais, les princes étaient mécontents. Des plaintes s’élevaient au Conseil.
Finalement Lahma accéda au trône. Le sang d’An ne coulait pas dans ses veines, mais il fut le huitième à régner.
Le Conseil des savants suggéra deux solutions pour refermer la brèche.
La première était d’utiliser un métal, l’or. Extrêmement rare sur Nibiru, il abondait dans le « Bracelet Martelé ».
Nulle autre substance ne peut être réduite en une poudre aussi fine et rester en suspens dans les cieux.
Ces apports refermeraient la brèche, offrant une meilleure protection.
– Construisons des vaisseaux spatiaux, et que cette flotte céleste rapporte sur Nibiru le précieux métal! disaient les uns.
– Créons des armes terrifiantes, capables de secouer le sol et de déchirer les montagnes. Réveillons les volcans à coup de missiles, pour que les éruptions reprennent, que l’atmosphère se reconstitue, et que la brèche disparaisse! disaient les autres.
Lahma n’avait pas le courage de prendre une décision.
Un Shar passa, puis un autre.
Le peuple était à l’agonie. Les éruptions volcaniques ne suffisaient pas à réparer l’atmosphère.
Passa une troisième année nibirienne, puis une quatrième. L’or restait introuvable.
Les tensions s’accroissaient à mesure que les réserves d’eau et de nourriture s’amenuisaient.
L’union n’était plus de mise, on s’accusait les uns les autres.
Savants et conseillers se pressaient à la cour, puis s’en allaient comme ils étaient venus.
Le roi ne prêtait aucune attention à leurs paroles. Il n’avait d’oreilles que pour son épouse, qui répondait au nom de Lahama.
Elle conseillait au roi d’implorer le Créateur Suprême:
– Notre seul espoir est dans la prière, et non dans l’action!
À la cour, les princes s’activaient. Contre le roi les accusations fusaient:
– Dans sa folie, il a fait plus de mal que de bien!
On ressortit les armes des vieux entrepôts, des paroles de rébellion étaient sur toutes les lèvres.
Le premier à prendre les armes était un prince du palais répondant au nom d’Alalu.
Il fit campagne auprès des autres princes, faisant miroiter des promesses.
– Lahma doit abdiquer! La décision doit remplacer l’hésitation!
Joignez-vous àmoi, allons surprendre le roi dans sa demeure, qu’il quitte le trône!
Touchés par ses paroles, les princes se hâtèrent vers le palais.
Comme un raz-de-marée, ils déferlèrent sur la salle du trône, faisant fi de l’interdiction d’y pénétrer sans invitation.
Poursuivi par Alalu, le roi trouva refuge dans la tour du palais.
Ils luttèrent. Une chute fatale eut raison de Lahma.
– Lahma n’est plus!
Avec allégresse, Alalu annonça la mort du roi.
Il se hâta vers la salle du trône, où il s’assit.
Sans plus de cérémonie, il se déclara roi.
Nibiru était divisée: certains se réjouissaient de la mort de Lahma, d’autres étaient attristés par les actes d’Alalu.
Je vais maintenant vous raconter le règne d’Alalu et son départ pour la Terre.
Nibiru n’était plus unie, nombreux étaient ceux qui contestaient le pouvoir.
Au palais, les princes étaient inquiets. Le Conseil était bouleversé.
– De père en fils, la descendance d’An s’est succédé sur le trône.
Même Lahma, le huitième, avait été adopté dans la lignée.
Qui est Alalu? Est-il un héritier légitime, est-il le premier-né? De quel droit usurpe-t-il le trône, n’a-t-il pas assassiné le roi?
Devant les Sept qui Jugent Alalu fut convoqué.
De son sort ils allaient statuer. Alalu plaida sa cause. Ni héritier légitime, ni premier-né, il était pourtant d’ascendance royale!
Il disait descendre d’Anshargal. Son ancêtre, Alam, était le fils d’une concubine. Par le nombre des Shars, Alam était le premier-né.
Le trône lui revenait, mais la reine l’en écarta délibérément. Afin que son fils accède au trône, elle créa de toutes pièces la Loi de la Semence. Ella avait offert à son fils la place qui revenait à Alam.
– Je descends d’Alam, et par lui d’Anshargal!
Les Sept qui jugent furent sensibles aux paroles d’Alalu. Ils remirent le jugement entre les mains du
Conseil, qui devait le confirmer ou l’invalider.
On fit venir les annales royales de la Maison des archives. On les lut avec soin. An et Antu étaient le premier couple royal.
Ils eurent trois fils et aucune fille. Anki, le premier-né, mourut en cours de règne, sans descendant. Anib, le second fils, le remplaça sur le trône. Anshargal, son premier-né, lui succéda. Après lui, la succession fut déterminée par la Loi de la Semence, au détriment du premier-né. Le premier-né était le fils d’une concubine.
La Loi de la Semence l’écarta du trône.
Le royaume revint alors au fils de Kishargal, la demi-sœur du roi.
Du fils de la concubine, le premier-né, les annales n’avaient gardé aucune trace.
– C’est de lui que je descends! plaida Alalu devant les conseillers.
D’après la Loi de la Succession, c’est à lui que revenait le royaume. D’après la Loi de la Succession, j’ai le droit de m’asseoir sur le trône.
Hésitants, les conseillers demandèrent à Alalu de jurer qu’il disait bien la vérité.
Alalu jura sur sa propre vie, et le Conseil le reconnut en tant que roi.
Ils convoquèrent les aînés et les princes, et prononcèrent leur décision devant eux.
Un jeune prince sortit des rangs, et demanda à s’exprimer.
Il demanda à l’assemblée de reconsidérer cette décision.
Il n’était ni le premier-né, ni le fils d’une reine. Et pourtant, il disait descendre d’An en ligne directe.
– Le sang d’An coule dans ses veines, sans être dilué par celui d’une concubine, dit-il.
N’en croyant pas leurs oreilles, les conseillers demandèrent au jeune prince de s’approcher.
Ils lui demandèrent son nom. Il s’appelait Anu, en honneur de son ancêtre An.
Ils s’enquirent de son arbre généalogique. Il leur rappela qu’An avait trois fils.
Anki, le premier, mourut sans fils et sans fille.
Anib, le second, accéda au trône à la place d’Anki.
Anib prit pour épouse la fille de son frère cadet. C’est l’histoire de leur succession qui est écrite dans les annales.
Qui était ce plus jeune frère, fils d’An et d’Antu au sang pur?
Les conseillers se dévisagèrent, incrédules.
– Il s’appelait Enuru, et je descends de lui, leur annonça Anu.
Son épouse Ninuru était sa demi-sœur. Leur fils, Enama, était le premier-né.
Sa femme était sa demi-sœur, et le fils qu’elle lui donna était leur héritier par la loi d’ascendance et par la loi de la succession.
Les générations se succédèrent, donnant naissance à une lignée pure par la loi comme par le sang.
Mes parents me nommèrent Anu en honneur de notre ancêtre An.
Nous avons laissé échapper le trône, mais nous avons conservé le sang pur d’An.
De nombreux conseillers demandent à ce qu’Anu soit sacré roi, et Alalu destitué.
D’autres incitaient à la prudence, pensant qu’il était plus important d’éviter les conflits et de préserver l’unité.
Ils firent entrer Alalu, et lui annoncèrent ce qu’ils venaient d’apprendre.
Alalu tendit la main au prince Anu.
– Nous descendons tous deux du même ancêtre, par des lignées différentes.
Vivons en paix, travaillons ensemble pour reconstruire Nibiru.
Accorde-moi le trône, et je ferai de toi mon héritier!
Il s’adressa ensuite au Conseil:
– Qu’Anu soit fait prince héritier, qu’il me succède sur le trône!
Que son fils épouse ma fille, que notre descendance soit unie.
Anu s’inclina devant le Conseil, et déclara à l’assemblée réunie:
– Je serai donc l’échanson d’Alalu en attendant de lui succéder. Que l’un de mes fils choisisse pour épouse l’une de ses filles.
Telle fut la décision du Conseil, inscrite dans les annales.
C’est ainsi qu’Alalu resta sur le trône.
Il convoqua les sages, consulta savants et commandants. Pour prendre sa décision il avait besoin de connaissances.
– Construisons des vaisseaux spatiaux et envoyons-les dans le Bracelet Martelé en quête d’or! décida-t-il.
Les vaisseaux ne parvinrent pas au Bracelet Martelé, aucun d’entre eux ne revint.
– Que les Armes de la Terreur déchirent les entrailles de Nibiru, que les volcans entrent à nouveau en éruption, demanda-t-il ensuite.
Les Armes de la Terreur furent chargées à bord de chars portés par les vents, et des missiles de terreur furent lancés des cieux au cœur des volcans.
Une explosion éblouissante retentit dans un bruit de tonnerre. Les montagnes oscillèrent, les vallées tremblèrent.
Le peuple se réjouit, espérant le retour de l’abondance.
Au palais, Anu était l’échanson d’Alalu.
Il se prosternait devant lui, lui portait à boire.
Alalu était le roi et traitait Anu comme un serviteur.
Dans les campagnes, la joie s’estompa. La pluie ne tombait pas, les vents se firent plus violents.
Les volcans n’entraient pas en éruption, la faille dans l’atmosphère ne se refermait pas.
Dans les cieux, Nibiru poursuivait sa trajectoire. De cycle en cycle, la chaleur et le froid se faisaient de plus en plus insupportables.
Le peuple de Nibiru cessa de vénérer le roi.
– En fait de soulagement, il n’a apporté que souffrance! disait-il.
Alalu ne quitta pas le trône.
Devant lui se tenait Anu, fort et sage, le premier des princes.
Il se prosternait devant lui, lui portait à boire.
Pendant neuf Shars, Alalu régna sur Nibiru.
Au cours du neuvième Shar, Anu l’affronta.
Il défia Alalu en combat singulier, nus, au corps à corps.
– Que le gagnant soit roi!
Ils s’affrontèrent sur la place publique. Les montants des portes et les murs tremblaient.
Alalu mit un genou à terre, il s’écroula au sol.
Il perdit le combat, et la foule proclama Anu roi. Anu fut escorté au palais, Alalu ne revint pas. Il échappa à la foule, craignant de mourir comme Lahma.
À l’insu de tous, il se hâta vers le Spatioport. Il monta dans un char lance-missiles et referma le panneau mobile derrière lui. Il pénétra dans la sale des commandes et s’installa dans le siège du commandant.
Il alluma l’Instrument-qui-montre-le-chemin, emplissant la chambre d’une lueur bleue.
Il agita les Pierres de Feu, qui émettaient un bourdonnement captivant.
Il activa la Grande Étincelle du char, qui émettait un éclat rougeoyant.
À l’insu de tous, Alalu s’enfuit de Nibiru à bord du vaisseau spatial.
Alalu se dirigea vers la Terre, la planète couleur de neige. C’est un secret des Commencements qui lui avait fait choisir cette destination.
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